Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol7.djvu/372

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état de fureur sans cause où les hommes ne comprennent pas ce qu’ils disent. Il vit que son intervention en faveur de la femme du médecin qui était dans la voiture était proche de ce qu’il redoutait le plus au monde, du ridicule, mais sa nature le conseillait autrement. L’officier achevait à peine les dernières paroles que le prince André, le visage déformé par la colère, s’approchait de lui et levait la nogaïka.

— Veuillez laisser passer !

L’officier fit un geste de la main et s’éloigna en toute hâte.

— Ces officiers d’état-major sont cause de tout le désordre, — grogna-t-il, — faites donc comme vous voudrez.

Le prince André, sans lever les yeux, s’éloigna rapidement de la femme du médecin qui l’appelait son sauveur, et, en songeant avec dégoût à tous les détails de cette scène humiliante, il galopa plus loin, vers le village, où, lui avait-on dit, se trouvait le commandant en chef.

Arrivé au village, il descendit de cheval avec l’intention de se reposer au moins le temps de manger quelque chose et de mettre de l’ordre dans les pensées cuisantes qui le tourmentaient.

« C’est une bande de voyous et non une armée, » pensait-il en s’approchant de la fenêtre de la première maison, quand tout à coup une voix connue l’appela.