Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol9.djvu/113

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et s’apprêta à enlacer sa taille avant même de l’avoir invitée à danser. Il lui proposa un tour de valse. L’expression de désespoir de Natacha, prête à la douleur ou à l’enthousiasme, s’éclaira tout à coup dans un sourire heureux, reconnaissant, enfantin.

« Je t’attends depuis longtemps ! » semblait dire le sourire de cette fillette effrayée et heureuse, quand elle appuya son bras sur l’épaule du prince André. C’était le deuxième couple qui entrait dans le cercle.

Le prince André était l’un des meilleurs danseurs de son temps. Natacha dansait admirablement ; on eût dit que ses pieds, en souliers de bal, se soulevaient d’eux-mêmes, et son visage brillait d’enthousiasme et de bonheur. Son cou et ses bras nus et maigres n’étaient pas beaux en comparaison de ceux d’Hélène ; ses épaules étaient maigres, sa poitrine pas formée, ses bras minces ; mais sur le corps d’Hélène semblait être déjà le vernis des milliers de regards qui glissaient sur lui, et Natacha avait l’air d’une gamine décolletée pour la première fois et qui en serait honteuse si on ne lui eût pas affirmé que c’était nécessaire.

Le prince André aimait la danse et, en dansant, il oubliait très vite les conversations politiques et intellectuelles avec lesquelles tous l’abordaient ; il désirait chasser au plus vite cette gêne que causait la présence de l’empereur ; il s’était mis à