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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol9.djvu/195

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en apercevant le maître, du parterre de fleurs où il était couché, se jeta rapidement, en courbant le dos, vers le perron, et, en soulevant la queue, se mit à se frotter le long des jambes de Nicolas.

« Oh ! Hoï ! » se fit entendre à ce moment, ce cri inimitable des chasseurs qui unit à la basse la plus profonde le ténor le plus aigu, et le veneur Danilo se montra du coin. C’était un chasseur ridé, gris, les cheveux coupés en fer à cheval, à la mode petite-russienne ; il tenait un fouet à la main, avait cette expression d’énergie et de mépris pour tout l’univers qu’on ne rencontre que chez les chasseurs. Il ôta son bonnet circassien devant le maître et le regarda avec dédain. Ce dédain n’était pas blessant pour le maître : Nicolas savait que ce Danilo qui méprisait tous les autres et qui se sentait plus haut que tous, était son homme et son chasseur.

— Danilo ! dit Nicolas qui, devant la perspective de cette chasse, avec ce temps, ces chiens et ces chasseurs, était saisi de ce frémissement invincible du chasseur qui fait que l’homme oublie toute autre intention antérieure, comme l’amoureux en présence de son amante.

— Que daignez-vous ordonner, Votre Excellence ? demanda la basse, comme celle du premier diacre, enrouée à force d’exciter les chiens, et deux yeux noirs brillants regardaient en dessous le maître qui se taisait : « Quoi, est-ce que tu