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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol9.djvu/284

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— Voilà, Sophie Alexandrovna verra absolument, chuchota Douniacha, et vous, vous riez toujours.

Sonia entendit ces paroles et celles de Natacha qui disait tout bas :

— Oui, je sais qu’elle verra, l’année dernière elle a vu aussi.

Pendant trois minutes, toutes se turent. « Absolument », chuchota Natacha. Elle n’acheva pas… Tout à coup, Sonia repoussa le miroir qu’elle tenait et cacha ses yeux avec ses mains.

— Ah ! Natacha, dit-elle.

— Tu as vu ? Tu as vu ? Qu’as-tu vu ? s’écria Natacha en soutenant le miroir.

Sonia n’avait rien vu ; elle commençait à avoir envie de battre des paupières et se levait quand elle entendit la voix de Natacha qui disait « absolument ». Elle ne voulait décevoir ni Natacha, ni Douniacha, et elle était fatiguée d’être assise ainsi. Elle ne savait elle-même comment, ni à cause de quoi, elle avait poussé un cri et caché ses yeux dans ses mains.

— Tu l’as vu ? demanda Natacha en lui prenant les mains.

— Oui, attends… je… l’ai vu… dit malgré elle Sonia, ne sachant encore qui Natacha désignait par le, Nicolas ou André ? Et il lui vint en tête : « Pourquoi ne dirais-je pas que j’ai vu ? Les autres voient bien ! Et qui peut savoir si j’ai vu ou non ? »