Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/16

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peut-être, que Varenka n’a été inventée, rencontrée aux eaux par Kitty, que pour contribuer à la guérison de Kitty par le contact de sa belle raison tranquille et de son caractère merveilleusement équilibré et que, cela fait, il n’y a plus aucune raison pour qu’elle demeure sous nos yeux ou s’y retrouve : Transiit benefaciendo. Ce serait donner une raison ; mais qui ne satisferait pas entièrement le goût, ni le désir naturel que l’on a de revoir des êtres aimés.

Un reproche plus grave que les précédents, mérité peut-être, est celui-ci : C’est du principal personnage que nous connaissons le moins le caractère.

Anna Karénine nous est présentée à trente ans, et aussitôt que nous la connaissons de vue, pour ainsi parler, elle est la maîtresse de Vronski. Comment est-elle devenue la maîtresse de Vronski ? Quel travail s’est fait, pour qu’elle le devînt, dans son intelligence et dans son cœur ? Voilà ce qui n’est pas dit, voilà ce qui n’est pas même indiqué. Vronski pourrait dire : “ Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu. ”

Il était extrêmement important de nous montrer aussi précisément les raisons de la faute que de nous présenter plus tard les remords de la faute. Les remords sont l’envers d’une faute ; il fallait même, pour que nous comprissions bien, nous faire voir d’abord le recto, et nous sommes comme quelqu’un qui aurait tourné la page avant de l’avoir lu et qui