Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/425

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défaut, ou bien c’est ton amour du repos, ta vanité, que sais-je ? qui l’emporte. »

Constantin sentit que, s’il ne voulait pas être convaincu d’indifférence pour le bien public, il n’avait qu’à se soumettre.

« Je ne vois pas, dit-il blessé et mécontent, qu’il soit possible…

— Comment tu ne vois pas, par exemple, qu’en surveillant mieux l’emploi des contributions il serait possible d’obtenir une assistance médicale quelconque ?

— Je ne crois pas à la possibilité d’une assistance médicale sur une étendue de quatre mille verstes carrées, comme notre district. Au reste, je n’ai aucune foi dans l’efficacité de la médecine.

— Tu es injuste, je te citerais mille exemples… Et les écoles ?

— Pourquoi faire des écoles ?

— Comment, pourquoi faire ? Peut-on douter des avantages de l’instruction ? Si tu la trouves utile pour toi, peux-tu la refuser aux autres ? »

Constantin se sentit mis au pied du mur et, dans son irritation, avoua involontairement, la véritable cause de son indifférence :

« Tout cela peut être vrai, mais pourquoi irais-je me tracasser au sujet de ces stations médicales dont je ne me servirai jamais, de ces écoles où je n’enverrai jamais mes enfants, où les paysans ne veulent pas envoyer les leurs et où je ne suis pas sûr du tout qu’il soit bon de les envoyer. »