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mette… Le thé au petit salon, s’il vous plaît », dit-elle en s’adressant au laquais, avec un clignement d’yeux qui lui était habituel ; et, prenant le billet, elle le parcourut.

« Alexis nous fait faux bond, — dit-elle en français, d’un ton aussi simple et naturel que si jamais il ne lui fût entré dans l’esprit que Wronsky eût pour Anna un autre intérêt que celui de jouer au croquet. — Il écrit qu’il ne peut pas venir. »

Anna ne doutait pas que Betsy sût à quoi s’en tenir, mais, en l’entendant, la conviction lui vint momentanément qu’elle ignorait tout.

« Ah ! » fit-elle simplement, comme si ce détail lui importait peu. « Comment, continua-t-elle en souriant, votre société peut-elle compromettre quelqu’un ? »

Cette façon de cacher un secret en jouant avec les mots avait pour Anna, comme pour toutes les femmes, un certain charme. Ce n’était pas tant le besoin de dissimuler, ni le but de la dissimulation, que le procédé en lui-même qui la séduisait.

« Je ne saurais être plus catholique que le pape ; Strémof et Lise Merkalof,… mais c’est le dessus du panier de la société ! D’ailleurs ne sont-ils pas reçus partout ? Quant à moi, — elle appuya sur le mot moi, — je n’ai jamais été ni sévère ni intolérante. Je n’en ai pas le temps.

— Non, mais peut-être n’avez-vous pas envie de rencontrer Strémof ? Laissez-le donc se prendre aux cheveux avec Alexis Alexandrovitch dans leurs com-