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pouvait guère lui dire que des banalités, mais il sut tourner ces banalités agréablement, lui parler de son retour à Petersbourg, et de l’amitié de la comtesse Lydie pour elle.

« Ne partez pas, je vous en prie, » dit Lise en apprenant qu’Anna allait les quitter. Strémof se joignit à elle :

« Vous trouverez un contraste trop grand entre la société d’ici et celle de la vieille Wrede, dit-il ; et puis vous ne lui serez qu’un sujet de médisances, tandis que vous éveillez ici des sentiments très différents ! »

Anna resta pensive un moment ; les paroles flatteuses de cet homme d’esprit, la sympathie enfantine et naïve que lui témoignait Lise, ce milieu mondain auquel elle était habituée, et dans lequel il lui semblait respirer librement, comparé à ce qui l’attendait chez elle, lui causèrent une minute d’hésitation. Ne pouvait-elle remettre à plus tard le moment terrible de l’explication ? Mais, se rappelant la nécessité absolue de prendre un parti, et son profond désespoir du matin, elle se leva, fit ses adieux et partit.


CHAPITRE XIX


Malgré sa vie mondaine et son apparente légèreté, Wronsky avait horreur du désordre. Un jour, étant jeune et encore au corps des pages, il se trouva à court d’argent, et essuya un refus lorsqu’il voulut en