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Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/527

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— Tu t’en cacherais peut-être si tu réussissais moins bien, dit Wronsky.

— Je le crois ; je n’irai pas jusqu’à dire que sans ambition il ne vaudrait pas la peine de vivre, mais la vie serait monotone ; je me trompe peut-être, cependant il me semble que je possède les qualités nécessaires au genre d’activité que j’ai choisi, et que le pouvoir entre mes mains, quel qu’il soit, sera mieux placé qu’entre les mains de beaucoup d’autres à moi connus ; par conséquent, plus j’approcherai du pouvoir, plus je serai content.

— C’est peut-être vrai pour toi, mais pas pour tout le monde ; moi aussi, j’ai pensé comme toi, et cependant je vis, et ne trouve plus que l’ambition soit le seul but de l’existence.

— Nous y voilà, dit en riant Serpouhowskoï. Je commence par te dire que j’ai su l’affaire de ton refus, et je t’ai naturellement approuvé. Selon moi, tu as bien agi dans le fond, mais pas dans les conditions où tu devais le faire.

— Ce qui est fait est fait, et tu sais que je ne renie pas mes actions ; d’ailleurs, je m’en trouve très bien.

— Très bien, pour un temps. Tu ne t’en contenteras pas toujours. Ton frère, je ne dis pas, c’est un bon enfant comme notre hôte. L’entends-tu ? ajouta-t-il en entendant des hourras prolongés dans le lointain. Mais cela ne peut te suffire à toi.

— Je ne dis pas que cela me suffise.