Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/547

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chez un riche paysan ; celui-ci, un vieillard chauve, bien conservé, avec une grande barbe rousse grisonnant près des joues, ouvrit la porte cochère en se serrant contre le mur pour faire place à la troïka ; il pria Levine d’entrer dans la maison.

Une jeune femme proprement vêtue, des galoches à ses pieds nus, lavait le plancher à l’entrée de l’izba ; elle s’effraya en apercevant le chien de Levine et poussa un cri, mais elle se rassura quand on lui dit qu’il ne mordait pas. De son bras à la manche retroussée elle indiqua la porte de la chambre d’honneur, et cacha son visage en se remettant à laver, courbée en deux.

« Vous faut-il le samovar ?

— Oui, je te prie. »

Dans la grande chambre, chauffée par un poêle hollandais, et divisée en deux par une cloison, se trouvaient en fait de meubles : une table ornée de dessins coloriés, au-dessus de laquelle étaient suspendues les images saintes, un banc, deux chaises, et près de la porte une petite armoire contenant la vaisselle. Les volets, soigneusement fermés, ne laissaient pas pénétrer de mouches, et tout était si propre, que Levine fit coucher Laska dans un coin près de la porte, de crainte qu’elle ne salît le plancher, après les nombreux bains qu’elle avait pris dans toutes les mares de la route.

« Bien sûr, vous allez chez Nicolas Ivanitch Swiagesky, dit le vieux paysan en s’approchant de Levine, lorsque celui-ci sortit de la chambre pour