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Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/256

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idée, du jour où elle quitta l’Italie, sa joie augmenta à mesure qu’elle approchait de Pétersbourg. C’était chose simple et naturelle, croyait-elle, de revoir l’enfant en vivant dans la même ville que lui ; mais dès son arrivée elle sentit qu’une entrevue ne serait pas facile à obtenir.

Comment s’y prendre ? Aller chez son mari au risque de n’être pas admise et de s’attirer peut-être un affront ? Écrire à Alexis Alexandrovitch ? C’était impossible, et cependant elle ne saurait se contenter de voir son fils en promenade, elle avait trop de baisers, de caresses à lui donner, trop de choses à lui dire ! La vieille bonne de Serge aurait pu lui venir en aide, mais elle n’habitait plus la maison Karénine. Deux jours se passèrent ainsi en incertitudes et en tergiversations ; le troisième jour, ayant appris les relations d’Alexis Alexandrovitch avec la comtesse Lydie, elle se décida à écrira à celle-ci.

Ce fut pour elle une déception cruelle que de voir revenir son messager sans réponse. Jamais elle ne se sentit blessée, humiliée à ce point, et cependant elle comprenait que la comtesse pouvait avoir raison. Sa douleur fut d’autant plus vive qu’elle n’avait à qui la confier.

Wronsky ne la comprendrait même pas ; il traiterait la chose comme de peu d’importance, et rien que l’idée du ton froid dont il en parlerait le lui faisait paraître odieux. Mais la crainte de le haïr était la pire de toutes. Aussi résolut-elle de lui cacher soigneusement ses démarches par rapport à l’enfant.