Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/457

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eût espéré l’adoucir par ses gestes. Je veux simplement te faire comprendre que tu ne peux rien perdre à ce que sa position s’éclaircisse. D’ailleurs tu l’as promis ; laisse-moi arranger la chose, tu n’auras pas à t’en occuper.

— Mon consentement a été donné autrefois, et j’ai pu croire qu’Anna Arcadievna aurait à son tour la générosité de comprendre… (les lèvres tremblantes de Karénine purent à peine proférer ces mots).

— Elle ne demande plus l’enfant, elle ne demande que le moyen de sortir de l’impasse où elle se trouve ; le divorce devient pour elle une question de vie ou de mort ; elle se serait peut-être soumise, si elle n’avait eu confiance en ta promesse, et si depuis six mois qu’elle est à Moscou elle n’y vivait dans la fièvre de l’attente. Sa situation est celle d’un condamné à mort qui aurait depuis six mois la corde au cou, et ne saurait s’il doit attendre sa grâce ou le coup final. Aie pitié d’elle, et quant aux scrupules…

— Je ne parle pas de cela, interrompit Karénine avec dégoût, mais j’ai peut-être promis plus que je ne suis en mesure de tenir.

— Tu refuses alors !

— Je ne refuse jamais le possible, mais je demande le temps de réfléchir ; vous professez d’être un libre-penseur, mais moi qui suis croyant, je ne puis éluder la loi chrétienne dans une question aussi grave.

— Notre Église n’admet-elle donc pas le divorce ? s’écria Stépane Arcadiévitch sautant de son siège.