Page:Tolstoï - De la vie.djvu/193

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que l’existence animale. À leurs yeux, l’amour ne répond même pas à l’idée que nous attachons involontairement à ce mot. Cet amour n’est pas une activité bienfaisante qui procure le bonheur à celui qui aime et à celui qui est aimé. Dans la pensée des hommes qui placent la vie dans l’individualité animale, l’amour est souvent un sentiment semblable à celui qui pousse une mère, pour le bien de son enfant, à priver un autre enfant affamé du lait de sa mère ; c’est ce sentiment qui pousse un père à enlever, au prix de mille fatigues, leur morceau de pain à des gens affamés pour assurer l’existence de ses enfants ; c’est ce sentiment qui fait que celui qui aime une femme souffre de cet amour et la fait souffrir elle-même, en la séduisant ou on se perdant avec elle par jalousie ; c’est ce sentiment qui pousse même l’homme à violer une femme ; c’est ce sentiment qui fait que les hommes d’une même association tâchent de nuire aux autres afin de sauvegarder les intérêts de leurs associés ; c’est ce même sentiment qui pousse un homme à s’adonner au prix des plus grandes fatigues