Page:Tolstoï - De la vie.djvu/72

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et considère celle qui n’a d’autre but que l’existence d’outre-tombe, ou le bien impossible à acquérir de son individualité, comme un mal et une absurdité.

Vivre en vue de la vie future ? se dit l’homme. Mais si cette vie, cet unique échantillon de vie que je connais, si ma vie présente doit être absurde, loin de me confirmer dans la possibilité d’une autre vie raisonnable, cela me prouve, au contraire, que la vie dans son essence est une absurdité, que la vie doit être absurde.

Vivre pour soi ? Mais ma vie individuelle est un mal et une absurdité. Vivre pour sa famille ? Pour sa communauté ? Pour sa patrie, pour l’humanité même ? Mais si la vie de mon individualité est malheureuse et absurde, il en est de même de la vie de toute autre individualité humaine ; par conséquent la réunion d’un nombre infini d’individualités absurdes et déraisonnables ne pourra jamais former une seule vie heureuse et raisonnable. Vivre isolément sans savoir pourquoi, en faisant ce que les autres font ? Mais je sais que les autres, de