Page:Tolstoï - Dernières Paroles.djvu/132

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Il en fut toujours ainsi, dans l’antiquité et dans les temps modernes, et cela s’est passé avec une évidence particulière dans notre monde européen, pendant tout le XIXe siècle. Dans la première moitié de ce siècle les révolutions, pour la plupart, réussirent, mais les pouvoirs nouveaux qui remplaçaient les anciens — Napoléon Ier, Charles X, Napoléon III — n’augmentaient pas la liberté des citoyens. Dans la seconde moitié, après 1848, toutes les tentatives de révolution furent réprimées par les gouvernements et, grâce aux révolutions anciennes et aux tentatives nouvelles, les gouvernants, en se défendant de plus en plus et se servant des inventions techniques du siècle passé qui donnent aux hommes un empire sur la nature qu’ils ne possédaient pas autrefois, augmentèrent leur pouvoir, si bien que vers la fin du siècle dernier, ce pouvoir s’accroissait à un tel degré que la lutte du peuple contre eux devenait impossible.

Les gouvernements ont accaparé entre leurs mains non seulement d’énormes richesses, dont ils ont dépouillé les peuples, non seulement des armées disciplinées recrutées avec soin, mais aussi tous les moyens moraux d’action sur les masses : la direction de la presse, de la religion, et, principalement, l’éducation. Et ces moyens sont si bien organisés et si