Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/174

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interprète, parfois ils s’entretenaient seuls, par des signes, des gestes, et surtout des sourires.

Évidemment Hadji Mourad aimait Boutler. Cela se voyait à la façon dont Eldar traitait Boutler. Quand celui-ci entrait dans la chambre de Hadji Mourad, Eldar allait à sa rencontre en montrant joyeusement ses dents brillantes et mettait hâtivement des coussins sur son siège ; puis il le débarrassait de son épée, s’il l’avait.

Boutler avait fait aussi la connaissance du velu Khanefi, le frère de sang de Hadji Mourad, et s’était lié avec lui. Khanefi savait beaucoup de chansons montagnardes et les chantait très bien. Hadji Mourad, pour faire plaisir à Boutler, ordonnait à Khanefi de chanter les chansons qui lui plaisaient. Khanefi avait une voix de ténor, très haute, et il chantait avec une netteté et une expression extraordinaires. Une des chansons qu’aimait particulièrement Hadji Mourad avait frappé Boutler par sa mélodie solennelle et triste. Boutler demanda à l’interprète de lui en traduire les paroles.

Il s’agissait dans cette chanson de la vengeance du sang, ce qui avait eu lieu entre Khanefi et Hadji Mourad. Voici quelles étaient les paroles de cette chanson :

« La terre séchera sur ma tombe, et tu m’oublieras, ma mère ! Le cimetière se couvrira d’herbe, et l’herbe étouffera ta douleur, mon vieux père ! Les larmes sécheront dans les yeux de ma sœur. La douleur s’envolera de son cœur. Mais toi, mon frère aîné, tu ne m’oublieras pas, tant que tu