Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/187

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son regard. C’était sa dernière soirée ; il devait ne pas jouer, aller chez Vorontzoff, qui l’avait invité, et tout eût été parfait, pensait-il. Et maintenant, non seulement ce n’était pas parfait, c’était épouvantable.

Ayant dit adieu à ses camarades et à ses connaissances, il partit chez lui. Aussitôt arrivé il se coucha et dormit dix-huit heures de suite, comme on dort ordinairement après qu’on a perdu aux cartes.

Marie Dmitriévna, à qui il avait demandé de lui prêter cinquante kopecks pour le pourboire du cosaque qui l’avait accompagné, comprit, à sa mine triste et à ses réponses brèves, qu’il avait perdu, et elle reprocha à Ivan Matvéievitch de l’avoir laissé partir.

Le lendemain Boutler s’éveilla à midi, et, se rappelant sa situation, il voulut se replonger dans l’oreiller qu’il venait de quitter. Mais cela n’était pas possible. Il fallait prendre des mesures pour trouver les quatre cent soixante-dix roubles qu’il devait à un inconnu. En fait de mesures, d’abord il écrivit à son frère, en se repentant de sa faute et le suppliant de lui envoyer pour la dernière fois cinq cents roubles, sur le compte de ce moulin qui restait encore en propriété indivise. Ensuite il écrivit à une parente, très avare, en lui demandant de lui prêter, à n’importe quel taux, les mêmes cinq cents roubles. Ensuite il alla trouver Ivan Matvéievitch, sachant que lui, ou plutôt Marie Dmitriévna avait de l’argent, et lui demanda de lui prêter cinq cents roubles.