Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/205

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Tous trois arrivèrent à la maison d’Ivan Matvéievitch.

— Tchikhirieff ! cria Kamenieff à un cosaque.

— Viens ici.

Un cosaque du Don se détacha du groupe et s’approcha. Il portait l’uniforme ordinaire des cosaques du Don ; il était chaussé de bottes, avait sur lui un manteau, et derrière sa selle un sac.

— Eh bien, tire-nous la chose ! dit Kamenieff en descendant de cheval.

Le cosaque détacha son sac. Kamenieff y plongea la main.

— Alors, voulez-vous que je vous montre la nouvelle ? Vous n’aurez pas peur ? s’adressa-t-il à Marie Dmitriévna.

— De quoi avoir peur ? fit-elle.

— Voilà ! dit Kamenieff en retirant du sac une tête d’homme et la montrant au clair de lune.

— Reconnaissez-vous ?

C’était une tête rasée, aux arcades sourcilières proéminentes, avec la barbe noire et la moustache taillée ; un des yeux était ouvert, l’autre à demi-fermé ; le crâne, rasé, était ensanglanté, fendu, et du sang noir était coagulé au bord des narines. Le cou était entouré d’une serviette sanguinolente. Malgré toutes ces blessures, le visage, dans le plissement des lèvres bleuies, gardait une expression enfantine, bonne. Marie Dmitriévna regarda, et, sans mot dire, se détournant, à pas rapides rentra à la maison. Boutler ne pouvait détacher ses yeux de l’effroyable tête. C’était la tête de ce même