Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

arrivait toujours au printemps, venaient d’être mondés et étaient transformés en de véritables mares dans lesquelles les chevaux s’embourbaient jusqu’au-dessus du paturon. Hadji Mourad et ses serviteurs prenaient tantôt à droite, tantôt à gauche, espérant trouver un endroit plus sec, mais les champs sur lesquels ils étaient tombés étaient tous uniformément recouverts d’eau. Les chevaux, avec un bruit de bouteille qu’on débouche, retiraient leurs jambes de la boue où elles s’enfonçaient, et après avoir fait quelques pas, en respirant lourdement s’arrêtèrent. Ils étaient restés si longtemps là-bas que la nuit commençait à venir et ils n’étaient pas encore près de la rivière. À gauche il y avait une petite futaie toute feuillée. Hadji Mourad résolut de se rendre là et d’y rester jusqu’à la nuit, pendant que les chevaux se reposeraient. Arrivés à la futaie, Hadji Mourad et ses hommes mirent pied à terre, entravèrent les jambes de leurs chevaux et les laissèrent paître, tandis qu’eux-mêmes mangeraient du pain et du fromage qu’ils avaient emportés avec eux. La lune, qui d’abord éclairait, se cacha derrière la montagne, et la nuit devint sombre. À Noukha, il y avait beaucoup de rossignols ; deux se trouvaient dans ce bois. Tout le temps que Hadji Mourad et ses hommes firent du bruit en s’installant, les rossignols se turent, mais quand les hommes cessèrent leur bruit, ils se remirent à chanter, en se répondant. Hadji Mourad écoutait les bruits de la nuit, et entendait aussi les rossignols.