Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/247

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antipathies les plus fortes furent Louis XVIII (avec son ventre, son nez aquilin, ses mains blanches dégoûtantes, son assurance, son arrogance, sa stupidité. Voilà que je recommence à l’injurier) et Nikanor Ivanoff qui m’a tourmenté hier, pendant deux heures. Tout en lui, depuis le son de sa voix jusqu’à ses cheveux et ses ongles, m’inspire du dégoût. Pour expliquer à Marie Martenianovna ma mauvaise humeur, j’ai menti en disant que j’étais indisposé. Après leur visite je me suis mis à prier, après quoi je me suis calmé. « Je Te remercie, Seigneur, d’avoir mis en mon pouvoir la seule chose dont j’aie besoin. » Je me suis rappelé que Nikanor Ivanoff a été un enfant et qu’un jour il mourra. Je me suis rappelé aussi que Louis XVIII est déjà mort, et j’ai regretté que Nikanor Ivanoff ne fût déjà plus là afin que je pusse lui exprimer mes bons sentiments pour lui. Marie Martenianovna m’a apporté beaucoup de chandelles, je pourrai écrire le soir. Je suis allé dans la cour. À gauche les étoiles se sont éteintes dans une admirable aurore boréale. Que c’est beau ! Que c’est beau ! Je continue.


Mon père et ma mère partirent pour l’étranger, et moi et mon frère Constantin, né deux ans après moi, restâmes tout le temps de l’absence de nos parents, à la disposition absolue de notre grand’mère. On avait appelé mon frère, Constantin, en prévision qu’il deviendrait l’empereur grec à Constantinople.