Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/26

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répéta Panoff. Ce n’est pas la première fois ; il a pris et rendra.

À cette époque, au Caucase, chaque compagnie gérait ses affaires par ses élus. Elle recevait l’argent du trésor, six roubles cinquante kopecks par homme, et se nourrissait elle-même, plantait des choux, fauchait le foin, avait ses chariots et était fière de ses chevaux gras et bien nourris. Quant à l’argent de la compagnie, il se trouvait dans une caisse dont le commandant de la compagnie avait la clef ; et il arrivait souvent que celui-ci faisait des emprunts à la caisse. C’était précisément ce qui venait de se produire et dont s’entretenaient les soldats.

Le soldat mécontent, Nikitine, voulait qu’on exigeât des comptes du capitaine, mais Panoff et Avdeieff ne trouvaient pas cela nécessaire.

Après Panoff, ce fut au tour de Nikitine de fumer. Il mit sous lui son manteau et s’assit en s’adossant à l’arbre. Les soldats demeurèrent silencieux. On n’entendait que le frôlement du vent, très haut au-dessus des têtes, sur la cime des arbres. Tout à coup, à travers ce doux bruissement, s’entendirent le hurlement, le cri, les pleurs, le rire du chacal.

— Ah ! le maudit ! Comme il hurle ! dit Avdeieff.

— Il se moque de toi, à cause de ta gueule de travers, prononça d’une voix aiguë de petit-russien le quatrième soldat.

De nouveau tout redevint silencieux, seul le