Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/317

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

rouge que moi ; il en était si gêné, qu’il s’est détourné et a couru en bas ; il laissa tomber son chapeau, le ramassa et s’arrêta sur le perron. Je suis montée en haut et j’ai regardé à la fenêtre. La voiture était avancée mais il ne montait pas. Je regardai le perron. Il restait là, debout, ne montait pas dans la voiture, et mordillait sa barbe. J’eus peur qu’il ne se retournât et m’éloignai de la fenêtre. Mais, au même moment, j’entendis ses pas dans l’escalier. Il montait d’un pas rapide, assuré. Je ne sais pas comment j’ai reconnu son pas, mais je m’approchai de la porte et m’arrêtai, attendant. Mon cœur avait cessé de battre ; la joie et la souffrance m’oppressaient. Comment ai-je deviné, je ne sais pas, mais je n’avais pas le moindre doute. Il se pouvait très bien qu’il dise en entrant : pardon, j’ai oublié mes cigarettes, ou quelque chose de semblable. Cela pouvait arriver. Qu’eussé-je éprouvé s’il en avait été ainsi ? Mais non, ce n’était pas possible. Il arriva ce qui devait arriver. Son visage était enthousiaste et timide, ses yeux brillaient de résolution et de joie, ses joues tremblaient. Il était en pardessus et tenait son chapeau à la main. Il n’y avait personne ici, tous étaient sur la terrasse.

— « Varvara Nikolaievna, dit-il, en s’arrêtant sur la dernière marche, mieux vaut tout dire que de souffrir et peut-être vous troubler vous aussi… » Combien cela m’était pénible et, en même temps, joyeux. Ces yeux charmants, ce joli front, ces lèvres habituées à sourire qui tremblaient, et cette