Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/350

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Enfin, là-bas, il n’attendait rien de la vie, ne comptant que sur soi-même. Ici, il y avait l’espoir, même l’assurance, que tout cela changerait, qu’il serait un des auteurs de ce changement, peut-être le principal : il y avait donc des chefs sortis des rangs des ouvriers.

VI

Il vécut ainsi jusqu’au 15 juin, s’absorbant de plus en plus dans ses pensées et ses sentiments et oubliant de plus en plus son village et Agrafena.

À la campagne il était chaste. De même ici, il s’abstenait, tout absorbé dans ses pensées sur la révolution. À la campagne il était chaste parce que la débauche était vue d’un mauvais œil. Quand, en l’accompagnant, Agrafena lui avait dit : « Maintenant tu m’oublieras avec les belles filles de Moscou, » il avait répondu : « Assez de paroles inutiles. Je te dis que je n’aime et n’aimerai que toi. »

Maintenant, à Moscou, en se la rappelant, il souriait et il lui paraissait étrange d’épouser cette Grouchka illettrée. Il rêvait de communion spirituelle avec une femme instruite, et, à la fois pour cette liaison et pour l’œuvre, il voulait être chaste.

Le 15 juin, en sortant de son bureau, le soir, Paul rencontra dans la rue Nicolas Anossoff, son ancien collègue de bureau, et camarade dans le parti de l’Organisation des travailleurs, dont