Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

et comment il aperçut avec étonnement sa tête ronde et bleuâtre, dans le plateau de cuivre brillant suspendu au mur. Il se rappelait le chien maigre, qui lui léchait le visage, et l’odeur particulière de fumée et de lait aigre, quand sa mère lui donnait des biscuits. Il se rappelait comment sa mère le portait à travers la montagne derrière son dos, dans un panier, pour aller au hameau où habitait le grand-père. Il se rappelait son grand-père, un homme ridé à barbe blanche ; il revoyait ses mains veinées incrustant l’argent, et se rappelait comment il l’obligeait, lui, son petit-fils, à dire les prières.

— Oui, ma mère n’alla pas nourrir le fils du Khan, reprit-il en secouant la tête. La femme du Khan prit une autre nourrice ; mais malgré cela, elle aimait ma mère, et, quand nous étions petits, ma mère nous amenait dans le palais du Khan et nous jouiions avec ses enfants ; et la femme du Khan nous aimait.

Il y avait trois Khans : Abounountzan Khan, frère de lait de mon frère Osman ; Ouhm Khan, et Boulatch Khan, le cadet, celui que Schamyl jeta dans un précipice. Oui ; mais cela, après.

J’avais environ seize ans quand les murides commencèrent à aller dans les aouls. Ils frappaient les pierres avec des bâtons et criaient : « Musulmans ! Khazavat ! » Tous les Tchetchenz passèrent aux murides, et les Abazes aussi commencèrent à se ranger de leur côté. Je vivais alors dans le palais. J’étais comme le frère des