Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/64

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Il était comme dans un nuage. Les meubles, les fleurs, les tableaux, il ne distinguait rien… Enfin une forme blanche lui adressa la parole. C’était Madame.

— C’est toi, Doutlof ?

— Oui, Madame… je n’y ai pas touché, c’est intact… j’ai fouetté mon cheval tant que j’ai pu pour vous l’apporter au plus vite.

— C’est ta chance ! dit-elle avec un sourire de mépris. Prends-le, prends-le.

Doutlof ouvrit ses yeux démesurément.

— J’en suis contente pour toi… Dieu fasse que tu l’emploies bien. Et toi, tu es satisfait ?

— Comment ne le serais-je pas ? Madame. Je suis si heureux, si heureux, Madame ! Je vais prier Dieu pour vous toute ma vie !

— Comment l’as-tu trouvé ?

— Nous avons toujours servi Madame avec zèle et dévouement, pas comme les…

— Il a perdu la tête, Madame, dit Douniacha.

— J’ai conduit mon neveu, le conscrit, Madame. En revenant, j’ai trouvé la lettre. Polikei l’aura laissé tombée.

— Eh bien ! va-t’en, va-t’en, mon brave.

— Je suis si heureux, Madame, répétait le paysan.

Tout à coup, l’idée lui vint qu’il n’avait pas remercié sa maîtresse, mais ne sachant comment s’y prendre, il s’éloigna rapidement, tourmenté par l’idée qu’on allait le rappeler et lui enlever l’argent.