Page:Tolstoï - La Sonate à Kreutzer trad Halpérine.djvu/240

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j’étais en chaussettes et il eût été vraiment grotesque de poursuivre en chaussettes l’amant de ma femme. Je voulais être terrible, mais non ridicule. Malgré ma fureur extrême, je me préoccupais toujours de l’impression que je produirais sur les autres ; je me suis presque toujours basé sur cette impression.

Je me retournai vers elle. Elle était tombée sur le sopha, et, la main sur la partie contusionnée de son visage, elle me regarda. Son regard exprima la peur et la haine, le regard d’un rat à la personne qui va chercher le piège dans lequel il s’est pris. Du moins ne pus-je voir en elle que cette peur et cette haine qui avaient provoqué son amour pour un autre. Peut-être rien ne se fût-il passé si elle s’était tue. Mais subitement elle parla, cherchant à s’emparer de la main dans laquelle je tenais le poignard :