Page:Tolstoï - La Sonate à Kreutzer trad Halpérine.djvu/242

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Ceux qui prétendent qu’on ne peut se souvenir de ce qu’on a fait dans un accès de fureur, lancent une stupidité et un mensonge. Je n’ai pas perdu un seul instant la conscience de ce que je faisais. Plus j’attisais ma rage, plus je voyais nettement ce que je faisais : je ne me suis pas oublié une seconde. Je ne dis pas que j’aie prévu ce que j’allais faire, mais à la seconde même où je l’exécutais, j’en ai eu conscience, peut-être même un peu avant ; je voyais que si j’estimais une réconciliation encore possible, je pouvais m’arrêter à volonté, je savais que je porterais le coup au-dessous des côtes et que le poignard pénétrerait.

Sur l’instant même, je savais que je commettais un acte horrible, tel que je n’en avais jamais commis et gros d’épouvantables conséquences. La conscience fut rapide comme l’éclair et l’acte suivit immédiatement.