Page:Tolstoï - Le Prince Nekhlioudov.djvu/165

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quelques pas de la fenêtre où je me tenais, droit comme une canne, le quai s’allongeait bêtement, artificiel et faux ; et le long du quai, les jeunes tilleuls avec leurs tuteurs et les petits bancs verts s’alignaient, œuvres humaines, pauvres et banales, refusant de se fondre dans l’harmonie du décor et formant avec les villas et les ruines du lointain un grossier et choquant contraste. Malgré, moi, mon regard ne cessait de se heurter à cette horrible ligne droite que, sans cesse, ma pensée s’efforçait d’écarter, comme on s’efforce de ne point voir la tache noire qui est sur le coin de votre nez, à portée de votre regard. Mais ce quai, sur lequel des Anglais allaient et venaient, restait immobile et je cherchais involontairement un endroit d’où je ne pusse le voir. Je m’exerçai si bien que je parvins à le découvrir et que je demeurai à la fenêtre, jusqu’à l’heure du