Page:Tolstoï - Le Prince Nekhlioudov.djvu/227

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mouvement précipité et bruyant de la civilisation.

Quel est, en réalité, le plus humain ou le plus barbare ? Est-ce ce milord qui, en apercevant l’habit déchiré du chanteur, s’est levé de table indigné, ce milord qui n’a pas su lui donner pour sa peine la millionième partie de son avoir et qui, pour fuir un contact indigne de lui, s’est réfugié dans une chambre fort confortable afin d’apprécier avec calme les affaires de Chine et de trouver justes les assassinats qui s’y commettent ? Ou est-ce ce petit chanteur qui, risquant la prison, s’en va depuis vingt ans, par monts et par vaux, sans nuire à personne, et consolant les hommes par ses chansons ; ce petit chanteur qu’on a aujourd’hui même presque chassé et qui, fatigué, affamé, honteux, s’en est allé s’étendre quelque part sur un tas de paille pourrie ?