Page:Tolstoï - Les Rayons de l’aube.djvu/391

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Un écrivain allemand, Eugène Schmidt, qui a édité à Buda-Pest, le journal « Ohne Staat », inséra dans ce journal un article vrai et audacieux non seulement par l’expression mais par la pensée. Il écrivait que les gouvernements qui justifient leur existence en disant qu’ils garantissent une certaine sécurité à leurs sujets, ne diffèrent nullement du brigand de la Calabre, qui imposait un tribut à tous ceux qui voulaient circuler sur les routes en sécurité. Schmidt fut traduit en Cour d’Assises et acquitté.

Nous sommes si hypnotisés par le gouvernement que cette comparaison nous semble une exagération, un paradoxe ou une plaisanterie ; et cependant ce n’est ni un paradoxe ni une plaisanterie. Cette comparaison est inexacte en ce sens que l’activité des gouvernements est beaucoup plus inhumaine et beaucoup plus nuisible que celle du brigand calabrais. Le brigand volait surtout les riches, les gouvernements volent principalement les pauvres et protègent les riches qui les aident dans leurs crimes. Le brigand risquait sa vie, les gouvernements ne risquent rien et font tout par le mensonge et la tromperie. Le brigand n’enrôlait personne dans sa bande par la violence : les gouvernements recrutent la plupart des soldats par la force. Avec le brigand, tous ceux qui avaient payé le tribut recevaient la même garantie de sécurité ;