Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/128

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

est impraticable, parce qu’Adam est déchu et que le monde est plongé dans le mal — dit la religion.

Cette doctrine est impraticable, parce que la vie humaine évolue d’après de certaines lois indépendantes de la volonté de l’homme, dit notre philosophie. La philosophie et la science disent, en d’autres termes, exactement ce que dit la religion par son dogme du péché originel et de la rédemption.

Dans la doctrine de la rédemption, il y a deux thèses principales sur lesquelles tout repose : 1o la vie normale de l’homme est une vie de béatitude, mais notre vie terrestre est misérable et ne peut être améliorée par nos propres efforts ; 2o notre salut se trouve dans la foi, c’est ce qui nous permettra d’échapper à cette vie mauvaise.

Ces deux thèses sont devenues la base de la conception religieuse des croyants et des sceptiques de nos sociétés pseudo-chrétiennes. La seconde thèse a donné naissance à l’Église et à son organisation : la première se rencontre à l’origine de l’opinion généralement reçue et de nos théories politiques et philosophiques.

Toutes les théories politiques et philosophiques qui cherchent à justifier l’ordre existant : l’hégélianisme et ses rejetons se trouvent en germe dans cette thèse. Le pessimisme, qui demande à la vie ce qu’elle ne peut donner et qui la renie à cause de cela, y a également sa source.

Le matérialisme, avec ses surprenantes affirmations enthousiastes que l’homme est un processus naturel et rien de plus, est un enfant légitime de cette doctrine qui enseigne que la vie d’ici-bas est une vie déchue. Le spiritualisme, avec ses savants adhérents, est la meil-