Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/13

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préconisée par l’Église, en paroles, mais en même temps l’Église approuvait ce qui était incompatible avec cette doctrine.

Était-il possible que la doctrine de Jésus admît nécessairement une pareille contradiction ?

Je ne pouvais le croire !

En outre, ce qui me paraissait toujours étonnant, c’est que tout ce que je connaissais de l’Église, les passages sur lesquels elle basait l’affirmation de ses dogmes étaient les passages les moins clairs. Au contraire, les passages d’où découlaient les lois morales étaient les plus clairs, les plus précis. Et pourtant, les dogmes et les devoirs du chrétien selon ces dogmes étaient précisés d’une façon formelle par l’Église, tandis que la recommandation d’obéir à la loi morale était faite dans les termes les plus vagues et les plus mystiques.

Était-ce là ce qu’avait voulu Jésus ? Les Évangiles seuls pouvaient dissiper mes doutes.

Je les lisais donc et les relisais.

Dans les Évangiles, le sermon sur la Montagne se dégageait toujours pour moi de tout le reste comme quelque chose d’exceptionnel. Aussi c’est ce que je lisais le plus souvent. Nulle part Jésus ne parle avec autant de solennité, nulle part il ne donne des règles morales plus claires, plus accessibles, qui trouvent plus d’écho dans le cœur de chacun ; nulle part il ne s’adresse à une foule plus grande de gens du peuple.

S’il existait des principes chrétiens clairs et précis, c’est ici qu’ils devaient être formulés. Je cherchai donc la solution de mes doutes dans les trois chapitres de Matthieu, v, vi et vii, dans le sermon sur la Montagne.