Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/134

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de ce qu’on appelle l’activité scientifique de nos fameux derniers siècles sera un sujet fécond d’hilarité et de pitié pour les générations futures. Pendant plusieurs siècles, se dira-t-on, les savants d’une partie occidentale du grand continent se trouvaient dans un état de démence épidémique : ils se figuraient être les possesseurs d’une vie éternelle de béatitude et s’occupaient de diverses élucubrations ayant pour but de préciser comment, d’après quelles lois cette vie se réalisera pour eux, sans jamais rien faire eux-mêmes, ni jamais se préoccuper nullement de ce qu’il y aurait à faire pour améliorer leur vie particulière. Et ce qui paraîtra encore plus affligeant à l’historien futur, — c’est qu’il trouvera que le groupe humain avait eu un maître qui leur avait enseigné des règles simples et claires, précisant ce qu’ils avaient à faire pour rendre leur vie heureuse et que les paroles de ce maître avaient été commentées par les uns, dans ce sens qu’il viendrait sur un nuage organiser tout, par les autres que les paroles de ce maître sont admirables, mais peu pratiques, car la vie humaine n’est pas telle que nous la concevons et par conséquent ne vaut pas la peine qu’on s’en occupe ; quant à la raison humaine, — elle doit se concentrer sur l’étude des lois de cette vie — sans se préoccuper du bien de chaque homme.

L’Église dit : la doctrine de Jésus ne peut pas être pratiquée d’une façon absolue ici-bas, parce que la vie terrestre n’est qu’un reflet de la vraie vie, qu’elle est forcément mauvaise. La meilleure façon de passer cette vie consiste à la mépriser, à vivre par la foi (c’est-à-dire par l’imagination) dans une vie future, bienheureuse, éternelle ; et continuer ici-bas à vivre mal — et à prier le bon Dieu.