Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/18

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j’eus compris ces mots tels qu’ils sont dits, aussitôt tout ce qui était obscur devint clair et ce qui semblait exagéré devint parfaitement raisonnable.

Je compris pour la première fois que le pivot de toute l’idée est dans les mots : « Ne résistez pas au méchant ; » que ce qui suit n’est que le développement et le commentaire de cette affirmation. Je compris que Jésus n’exhorte pas du tout à présenter la joue et à céder son manteau, pour s’imposer des souffrances, mais qu’il exhorte à ne pas résister au méchant, et ajoute que la pratique de cette règle pourrait être accompagnée de souffrances.

Ainsi un père qui envoie son fils faire un voyage lointain lui recommande de ne pas s’arrêter en chemin, mais ne lui enjoint pas de passer des nuits blanches, de se priver de nourriture, de s’exposer à la pluie et au froid. Il lui dit : « Va ton chemin, sans t’arrêter quand même tu serais trempé ou transi. » De même Jésus ne dit pas : « Présentez la joue, souffrez ; » il dit : « Ne résistez pas au méchant, et, quoi qu’il arrive, ne résistez pas. »

Ces paroles : « Ne résistez pas au mal ou au méchant, » comprises dans leur signification exacte, furent véritablement pour moi la clef qui m’ouvrit tout. Et il me parut étonnant que j’aie pu comprendre à l’inverse ces paroles si claires et si précises : « Vous avez appris : « Dent pour dent, » et moi je dis : « Ne résiste pas au méchant, et, quelque violence que te fasse le méchant, supporte, cède tout ce que tu as, mais ne lui résiste pas. » Qu’est-ce qui peut être plus clair, plus intelligible et plus précis que cela ?

Je n’eus qu’à saisir le sens simple et exact de ces