Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/198

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

trine du monde. Et on se presse en foule à leur suite ; comme des martyrs, ils vont au-devant des souffrances et de la perdition.

Une vie après l’autre est jetée sous le char de cette idole ; le char passe en broyant leurs existences, et de nouvelles victimes se précipitent, en masse, sous les roues avec des malédictions, des gémissements et des lamentations !

L’accomplissement de la doctrine de Jésus est difficile ! Jésus dit : « Quiconque veut me suivre, qu’il laisse sa maison, ses champs, ses frères, et qu’il me suive, moi, qui suis Dieu ; et celui-là recevra dans ce monde cent fois plus de maisons, de champs, de frères, et en outre la vie éternelle. » Et personne ne bouge. La doctrine du monde dit : « Abandonne ta maison, ton champ, tes frères ; abandonne la campagne pour une ville pourrie, passe ta vie à travailler comme étuviste, nu, savonnant les dos d’autrui, ou comme apprenti de bazar à compter toute ta vie les kopecks d’autrui dans un sous-sol, ou, en qualité de procureur au tribunal, à rédiger toute ta vie des papiers destinés à empirer le sort des malheureux, ou, comme ministre, à signer perpétuellement à la hâte des circulaires inutiles, ou, à la tête d’une armée, à tuer des hommes toute ta vie ; vis de cette vie hideuse qui se termine toujours par une mort cruelle, et tu ne recevras rien ni dans ce monde ni dans l’autre. » Voilà ce que dit cette doctrine, et tout le monde accourt. Jésus a dit : « Prends ta croix et suis-moi, c’est-à-dire supporte avec soumission le sort qui t’est tombé en partage et obéis-moi, moi qui suis ton Dieu. » Personne ne bouge. Mais que le dernier des hommes galonné, dont la spécialité