Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/207

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vre, c’est précisément ce qu’enseignait Jésus, c’est la condition sans laquelle on ne peut entrer dans le royaume de Dieu ni être heureux ici-bas.

Mais personne ne vous nourrira et vous mourrez de faim, réplique-t-on. — À cette objection, Jésus a répondu par une courte sentence (cette sentence est commentée de façon à justifier l’oisiveté du clergé) (Matth. x, 10 ; Luc, x, 7).

Il dit : « Ne préparez ni un sac pour le chemin, ni deux habits, ni souliers, ni bâton ; car celui qui travaille mérite qu’on le nourrisse. » — « Demeurez dans la même maison, mangeant et buvant de ce qu’il y aura chez eux ; car celui qui travaille mérite sa récompense. »

Celui qui travaille mérite (ἄξιοϛ ἐστί signifie mot pour mot — peut et doit avoir) sa nourriture. C’est une très courte sentence ; mais, pour quiconque la comprendra comme la comprenait Jésus, il ne peut plus être question du danger de mourir de faim dont tout homme qui ne possède aucune propriété serait menacé. Pour comprendre ces mots dans leur vrai sens, il faut avant tout se détacher complètement de l’idée devenue habituelle, grâce au dogme de la Rédemption, que la félicité de l’homme consiste dans le désœuvrement. Il faut rétablir ce point de vue, naturel à tous les hommes non dégénérés, que la condition indispensable du bonheur de l’être humain est le travail, non pas l’oisiveté, que l’homme ne peut pas ne pas travailler. Il faudrait déraciner ce sauvage préjugé, que la position d’un homme qui touche de l’argent à terme, c’est-à-dire qui a une place du gouvernement, ou une propriété foncière, ou des titres de rente avec coupons, grâce