Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/209

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« Le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie comme rançon de plusieurs. »

D’après la doctrine de Jésus, chaque individu pris séparément, indépendamment du monde en général aura la vie la plus heureuse, s’il a compris sa vocation qui consiste à ne pas exiger qu’on le serve, mais à travailler toute sa vie pour les autres, à donner sa vie comme rançon pour plusieurs. Un homme qui agit ainsi mérite d’avoir sa nourriture, c’est-à-dire ne peut manquer de l’avoir. Par les mots : « L’homme n’est pas venu au monde pour être servi, mais pour servir les autres, » Jésus établit la base qui garantit indubitablement l’existence matérielle de l’homme, et par les mots : « Celui qui travaille est digne de nourriture, » il écarte cette objection si habituelle contre la possibilité de pratiquer sa doctrine, objection qui consiste à dire qu’un homme qui pratiquerait la doctrine de Jésus au milieu de ceux qui ne la pratiquent pas risquerait de périr de faim et de froid. Jésus montre que l’homme n’assure pas sa subsistance en accaparant la part des autres, mais en se rendant utile, indispensable aux autres. Plus il se rendra nécessaire aux autres, plus son existence sera garantie.

Dans l’organisation actuelle du monde, des millions d’ouvriers qui ne possèdent aucune propriété et ne pratiquent pas la doctrine de Jésus, c’est-à-dire ne travaillent pas pour le prochain, — ne meurent pas de faim. Comment peut-on donc objecter contre la doctrine de Jésus que ceux qui pratiqueraient sa doctrine, c’est-à-dire qui travailleraient pour le prochain, mourraient de faim. L’homme ne peut pas mourir de faim