Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/236

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si moi, pour améliorer mon existence, je cessais de le servir ? Et que deviendra le commerce ? dira-t-il s’il est marchand. Et que deviendra la civilisation, si je cesse d’y travailler pour ne m’occuper que de l’amélioration de ma propre existence ? Sa réponse sera toujours conçue dans ce sens, comme si la tâche de sa vie ne consistait pas à faire le bien auquel sa nature le porte, mais à servir l’État, le commerce, la civilisation. L’homme moyen répond exactement ce que répondent le croyant, le philosophe, etc. À la place de la question personnelle, il glisse, la question générale, et ce subterfuge, le croyant, le philosophe, l’homme moyen l’emploient également, parce qu’ils ne peuvent faire aucune réponse à la question personnelle : Qu’est-ce que ma vie ? parce qu’ils n’ont aucune doctrine positive de la vie. Et ils en sont inquiets, parce qu’ils se sentent dans la situation humiliante de gens qui ne possèdent, n’ont pas même le moindre soupçon d’une doctrine de la vie, tandis que l’homme, en réalité, ne peut pas vivre en paix sans doctrine de la vie. Ce n’est que dans notre monde chrétien, qu’au lieu de mettre en relief la doctrine de la vie et de chercher à s’expliquer pourquoi la vie actuelle doit être telle et non pas autre, on s’en tient à l’explication d’une organisation fantastique qui n’existe plus. Ce n’est que dans notre monde chrétien qu’on a commencé à donner le nom de religion à quelque chose qui n’est bon à rien et à personne et que la vie s’est émancipée de toute doctrine, c’est-à-dire est restée sans aucune définition. Ce n’est pas tout ; la science, comme d’habitude, a érigé cette situation fortuite et anormale de notre situation en loi humanitaire. Les savants comme Tiele, Spencer et