Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/255

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me laisser séduire par ces tentations, qui me privaient de mon vrai bien : de l’union et de l’amour ; car se peut-il que l’homme se tende à lui-même un piège évident dans lequel il est déjà tombé et qui a manqué le perdre. Maintenant, je ne puis plus contribuer à rien qui m’élève extérieurement au-dessus des autres, qui me sépare d’eux ; je ne puis pas, comme je le faisais auparavant, reconnaître ni à moi-même ni aux autres des titres, des rangs et des qualités en dehors du titre et de la qualité d’homme : je ne puis pas chercher la gloire, les louanges ; je ne puis pas chercher une instruction qui me sépare des hommes ; je ne puis pas m’empêcher de chercher dans mon existence, dans mon intérieur, dans ma nourriture, mes vêtements et ma façon d’être avec les gens, tout ce qui, loin de me séparer, me rapproche de la majorité des hommes.

Jésus m’a montré qu’une autre tentation qui détruit mon vrai bien, c’est la débauche, c’est-à-dire le désir de posséder une autre femme que celle avec laquelle on est uni.

Je ne puis pas, comme je le faisais auparavant, considérer ma sensualité comme un trait sublime de la nature humaine ; je ne puis plus la justifier vis-à-vis de moi-même par mon amour pour le beau ou parce que je suis amoureux, ou bien par les défauts de ma femme ; je ne puis plus, — au premier avertissement, — que je me laisse aller à la débauche — ne pas reconnaître que je me trouve dans un état morbide et anormal, — et je ne puis pas ne pas chercher à me débarrasser de cette obsession.

Mais, sachant que la débauche des sens est un mal pour moi, je connais encore la tentation qui m’y pous-