Page:Tolstoï - Ma religion.djvu/51

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Jean-Baptiste, tous les vrais sages du monde parlent précisément de l’Église, de l’État, de la culture et de la civilisation de leur époque en l’appelant le mal, source de perdition pour les hommes.

Supposons qu’un architecte dise à un propriétaire : Votre maison ne vaut rien, il faut la rebâtir ; et puis qu’il ajoute des détails sur les poutres à déplacer et indique comment il faut les couper et où les fixer. Le propriétaire fera la sourde oreille aux mots : « Votre maison ne vaut rien, » et fera semblant d’écouter avec respect ce que dit l’architecte à propos des détails relatifs à la disposition des chambres. Évidemment, dans ce cas-là, tous les conseils subséquents de l’architecte paraîtront impraticables ; quant aux propriétaires peu respectueux, ils traiteront ces conseils carrément de sottises. C’est précisément ainsi que cela se passe par rapport à la doctrine de Jésus.

Ne trouvant pas de meilleure comparaison, j’ai pris celle-là. Je me souviens alors que Jésus, en enseignant sa doctrine, usa de la même comparaison. Il dit : « Je détruirai votre temple et en trois jours j’en rebâtirai un nouveau. » C’est pour cela même qu’on le mit en croix, et c’est pour cela même qu’à présent on crucifie sa doctrine.

Le moins qu’on puisse exiger de ceux qui jugent une doctrine quelconque ; c’est qu’ils jugent la doctrine du maître telle qu’il la comprenait lui-même. Et Jésus comprenait sa doctrine non pas comme l’idéal de l’humanité dans un vague lointain, idéal dont la pratique est impossible, non pas comme un ensemble de rêveries fantastiques ou poétiques avec lesquelles il charmait les naïfs habitants de la Galilée ; sa doctrine consistait pour lui