Page:Tolstoï - Qu’est-ce que l’art ?.djvu/145

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quent de goût ou d’intelligence ; elle est dans ce que cet art est de mauvais art, ou n’est pas de l’art, du tout.

L’art diffère des autres formes de l’activité mentale en ce qu’il peut agir sur les hommes indépendamment de leur état de développement et d’éducation. Et l’objet de l’art est, par essence, de faire sentir et comprendre des choses qui, sous la forme d’un argument intellectuel, resteraient inaccessibles. L’homme qui reçoit une véritable impression artistique a le sentiment qu’il connaissait déjà ce que l’art lui révèle, mais qu’il était incapable d’en trouver l’expression.

Et telle a toujours été la nature de l’art bon et vrai. L’Iliade, l’Odyssée, les histoires d’Isaac, de Jacob et de Joseph, les chants des prophètes hébreux, les Psaumes, les paraboles de l’Évangile, l’histoire de Çakya-Mouni, les hymnes védiques ; toutes ces œuvres expriment des sentiments très élevés et nous sont cependant aussi compréhensibles à tous qu’elles l’ont été, il y a de longs siècles, à des hommes moins civilisés encore que nos paysans. Les églises, et les images qu’elles contiennent, ont été toujours compréhensibles à tous. L’obstacle à la compréhension des sentiments les