Page:Tolstoï - Qu’est-ce que l’art ?.djvu/206

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

le tout de l’art, loin d’être cela, n’est qu’une contrefaçon de l’art véritable. Cette conclusion va, je le sais, sembler étrange et paradoxale ; mais si seulement nous admettons que l’art est une activité humaine par le moyen de laquelle certains hommes transmettent leurs sentiments à d’autres (et non pas un culte de la Beauté, ni une manifestation de l’Idée, ni rien de pareil), nous serons inévitablement contraints d’admettre cette conclusion comme en découlant. Si l’art est une activité par laquelle un homme transmet ses sentiments à d’autres, force nous est d’avouer que, de tout ce que nous appelons l’art dans notre société, de tous ces romans, contes, drames, tableaux, opéras, ballets, etc., c’est à peine si la cent millième partie procède d’une émotion sentie par l’auteur, tout le reste n’étant que des contrefaçons de l’art, où les emprunts, l’ornementation, les effets et l’intérêt remplacent la contagion du sentiment. J’ai lu quelque part qu’à Paris seulement le nombre des peintres dépasse vingt mille : il y en a probablement autant en Angleterre, autant en Allemagne, autant dans le reste des pays de l’Europe. C’est donc environ cent mille peintres qu’il y a en Europe ; et sans doute on y trouverait aussi