Page:Tolstoï - Qu’est-ce que l’art ?.djvu/30

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Mais il était trop certain aussi que ce qu’ils faisaient et disaient non seulement n’avait rien à voir avec les mœurs indiennes, mais n’avait rien à voir avec aucunes mœurs humaines, sauf celles des opéras. Car enfin jamais, dans la vie, les hommes ne parlent en récitatifs, jamais ils ne se placent à des distances régulières et n’agitent leurs bras en cadence pour exprimer leurs émotions ; jamais ils ne marchent par couples, en chaussons, avec des hallebardes d’étain ; jamais personne, dans la vie, ne se fâche, ne se désole, ne rit ni ne pleure comme on faisait dans cette pièce. Et que personne au monde n’a jamais pu être ému par une pièce comme celle-là, cela encore était hors de doute.

Aussi la question se posait-elle naturellement : au profit de qui tout cela était-il fait ? À qui cela pouvait-il plaire ? S’il y avait eu, par miracle, de jolie musique dans cet opéra, n’aurait-on pas pu se borner à la faire entendre, sans tous ces costumes grotesques, ces processions, et ces mouvements de bras ? Pour qui tout cela se fait-il tous les jours, dans toutes les villes, d’un bout à l’autre du monde civilisé ? L’homme de goût ne peut manquer d’en être écœuré ; l’ouvrier ne peut manquer de n’y rien comprendre. Si