Page:Tolstoï - Quelle est ma vie ?.djvu/93

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Avant de partir, nous délibérâmes, comme les membres d’un conseil de guerre, pour savoir au juste comment nous devions nous y prendre et en combien de parts il fallait diviser la besogne. Les débats avaient le même caractère que l’on remarque dans toutes les assemblées et dans tous les comités : chacun bavardait pour ne rien dire, pour surpasser les autres ou pour ne pas rester en arrière. Cependant, personne ne parlait de la bienfaisance qui faisait le sujet de toutes mes conversations.

Quelque honte que j’en eusse, je fus pourtant obligé de ramener encore une fois la conversation sur ce triste sujet, de rappeler qu’il fallait remarquer et noter toutes les personnes qui devaient être secourues lors de notre visite. J’étais toujours honteux en parlant de bienfaisance ; mais cette fois, au moment d’entrer en campagne, je me sentais réduit à quia. Il me semblait que tout ce monde m’écoutait avec une tristesse mortelle et me donnait raison à contre-cœur. Il était visible qu’ils jugeaient mes projets comme une sottise et comme ne devant aboutir à rien. Ils se hâtèrent d’entamer une autre conversation. Cela dura jusqu’au moment du départ. Enfin, nous partîmes.