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Page:Tolstoï - Souvenirs.djvu/229

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que n’en comportait une simple parente éloignée, c’était une si charmante femme — aimable, originale. Je ne peux pas comprendre ce qui l’a changée à ce point. Tu n’as pas vu chez elle une espèce de secrétaire ? Qu’est-ce que c’est que ces manières-là ? une barine russe qui a un secrétaire ! ajouta-t-il en s’éloignant de moi d’un air irrité.

— Je l’ai vu, répondis-je

— Eh bien ! est-il joli garçon au moins ?

— Non, il est très laid.

— C’est incompréhensible, » dit papa en secouant son épaule avec irritation et en toussaillant.

« Me voilà amoureux, » pensais-je en continuant ma route dans mon droshki.


LX

CHEZ LES KORNAKOF


La seconde visite se trouvait être les Kornakof. Ils occupaient le premier étage d’une grande maison. L’escalier était majestueux et bien tenu, mais point luxueux. Il y avait un tapis, proprement fixé par des tringles de cuivre brillantes, mais il n’y avait ni fleurs ni glaces. La salle, que je traversai pour entrer au salon, avait un parquet bien ciré et était proprement meublée ; mais tout cela était triste et froid. Le mobilier, quoiqu’un peu vieux, était reluisant et d’aspect solide ; mais on n’apercevait ni un tableau, ni un rideau, ni un ornement. Je trouvai au salon un certain nombre des jeunes princesses. Elles se tenaient si droites sur leurs chaises et avaient un tel air de cérémonie, qu’on se disait en les apercevant : « Elles ne se tiennent pas comme ça quand il n’y a pas de visites ».

« Maman vient tout de suite, » me dit l’aînée en s’asseyant près de moi.