Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/113

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avis, que le dernier s’éloigne moins de la vérité en rasant terre, que le premier ne s’en approche en volant par delà la nue.

Dans l’après-midi d’épaisses vapeurs se sont élevées du côté de Genève, au travers desquelles un rayon du soleil couchant se fraye un passage, et vient empourprer à l’arrière du bateau une partie de la surface du lac, partout ailleurs froide et violacée. Ce spectacle peu ordinaire attire les regards, et il suspendrait pour un moment toutes les conversations particulières, sans ce monsieur sourd qui a l’obligeance de nous continuer la sienne, en sorte qu’il passe son temps de plus en plus agréablement, jusqu’à Villeneuve, où nous débarquons tout à l’heure.

De Villeneuve à Aigle, même route que l’an passé, mais par un beau clair de lune. Ce clair de lune n’empêche pas les débutants d’en avoir assez, et de marche, et de havre-sac surtout, au bout d’une heure. Deux ou trois même, Ernest en tête, ne tardent pas à refuser le service, et il devient à propos que des anciens leur ôtent leur charge pour la porter à leur place. Ces mêmes enfants pourtant, dans quatre ou cinq jours, partiront de Nant-Bourant pour passer trois cols et faire douze lieues dans une même journée, sans éprouver aucune sorte d’écloppement et à peine de la lassitude. Le tout est de les ménager en commençant, et de leur faire rencontrer la montagne avant qu’ils se soient harassés dans la plaine.