Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/160

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funeste, flaque indigne, omelettes atroces ! M. Töpffer pousse un cri… C’est l’homme des Alpes, c’est le pâtre des Alpes, c’est ce gredin si pittoresque de tout à l’heure qui lui verse dans le collet tout le beurre fondu de ses omelettes des Alpes ! Pour cette fois, irrémissiblement graissé dans sa cravate et dans sa blouse, M. Töpffer fait la plus drôle de triste figure du monde ; c’est de l’amer, du furieux, du profondément découragé, une foule de sentiments véhéments qui se neutralisent en une ingrate immobilité. On le console, on le lessive, on se met en quatre pour apporter des adoucissements à sa situation, mais lui, marqué de beurre fondu pour huit jours au moins, se laisse faire, se laisse dire, et cette tartine au dos lui suffit pour être encore plus inconsolable que Calypso dans son île.

Au delà de Contamines la contrée est inhabitée, solitaire, druidique même, à cause de la noirceur rapprochée des forêts. Cependant chaque année, le 15 août, de toutes les vallées environnantes l’on vient y célébrer la fête de Notre-Dame de la Gorge : c’est la madone d’une petite chapelle acculée contre l’escarpement qui ferme ce vallon si sévère. Qu’il doit être