Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/23

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et, à la fin, l’on se sera fait sa petite manière à soi de ne s’y prendre pas trop mal, et cela en ne poursuivant que la nature et sans imiter personne. Il a, à ce sujet, de ravissantes pages sur ce thème : Qu’est-ce que croquer ? par opposition à dessiner. Il en a d’autres comparables à celles-là sur cet autre motif : Qu’est-ce que flâner ? qui est, selon lui, tout l’opposé de ne rien faire.

Pour le style, de même. La langue de Töpffer est à lui, et il le sait. Il n’y a pas visé d’abord, et elle lui est venue comme cela. La Suisse, dans ses creux de vallées et ses plis de terrain, a gardé trace et souche de bien des langues. Il y a là des dialectes d’emprunt et des patois indigènes. Le français, qui est très-indigène en quelques parties, est resté âpre et n’a jamais eu sa greffe définitive. Genève pourtant y a donné son poli et son pli. Mais traversée en bien des sens et formée d’une population mi-partie française, italienne et germanique, Genève aurait fort à faire pour garder une langue pure. Töpffer n’a jamais cherché qu’à l’avoir naturelle : « Je ne suis qu’un Scythe, s’écrie-t-il comme Anacharsis, et l’harmonie des vers d’Homère me ravit et m’enchante ! Je ne suis, moi, qu’un Genevois, et l’harmonie, la noblesse, la propriété ornée, la riche simplicité des grands maîtres de la langue, pour autant que je sais l’apprécier, me transporte de respect, d’admiration et de plaisir. De bonne heure j’ai voulu écrire, et j’ai écrit, mais sans me faire illusion sur ma médiocrité et mon impuissance, uniquement pour ce charme de composer, d’exprimer, de chercher aux sentiments, aux pensers, aux rêves de choses ou de personnes, de façon de les dire à mon gré, de leur trouver une figure selon mon cœur. » Tout en admirant nos grands écrivains, il ne les imite donc pas le moins du monde : placé hors du cercle régulier, et pour ainsi dire national, de leur influence, il ne trouve pas qu’il y ait révolte à ne pas les suivre, même dans les formes générales qu’ils ont établies et qui font loi en France ; il n’est pas né leur sujet. Il écrit d’emblée à sa guise,