Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/255

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jusqu’à être curé, on sera toujours à temps de se rabattre sur être régent dans ces montagnes. » Comme on le voit, ce jeune garçon est étudiant aussi, et de là cette vive curiosité avec laquelle il considère d’autres jeunes garçons dans lesquels il voit de fortunés émules, tous bien sûrs d’être curés un jour.

Au delà du pont, nous sommes entrés dans le district d’Evolena. Ici la vallée se resserre, et le sentier serpente dans les bois. Que ces solitudes seraient belles, que ces ombrages auraient de prix, si à cette heure le soleil du soir dardait ses feux sur la cime des mélèzes ! Mais les cieux sont fermés, et les blafardes clartés de l’orage, qui ôtent à l’ombre son mystère et aux rameaux leurs noirceurs, ne rendent pas en revanche au feuillage ses tendres transparences et son joyeux éclat. Toutefois cette triste pâleur convient peut-être au site qui apparaît soudainement au sortir de ces taillis. C’est, au sommet de l’escarpement qu’il reste à gravir, une chapelle solitaire posée sur un roc nu. L’on dirait, comme à Notre-Dame-des-Gorges, quelque autel druidique caché dans une clairière écartée, tout cerné de morne silence et de sombre horreur. Demain nous reverrons cette chapelle doucement éclairée des lueurs de l’aurore, et, à tant de grâce riante, à tant de radieuse fraîcheur, il nous semblera que ce n’est plus l’autel d’un culte barbare, mais le sanctuaire aimable d’une foi céleste et réjouissante.