Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/367

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veloppement simultané et naturel des force physiques, de la droite raison et du caractère. Aussi, autrefois, et quelque vicieuses que pussent être d’ailleurs les institutions, il y avait des hommes, des caractères, ou encore des esprits vraiment élégants, ornés ou puissants ; tout le monde en convient. — Aujourd’hui l’instruction classique, faite précipitamment durant les années de la première adolescence, et basée de plus en plus sur des méthodes abréviatives, comme s’il s’agissait non pas de faire croître des fruits, mais d’en distribuer hâtivement de tout cueillis, non-seulement n’offre plus pour le développement de l’intelligence comme pour l’ornement de l’esprit que de bien médiocres résultats ; mais de plus, combinée avec une kyrielle d’autres études qui occupent et remplissent les années entières de l’adolescence et de la jeunesse, elle ne laisse au développement naturel des forces du corps, de l’âme ou de l’esprit ni temps, ni espace, ni aliment. Aussi, et quelque admirables que puissent être les institutions modernes, une chose est devenue rare, presque introuvable aujourd’hui ; ce sont des hommes, des caractères, ou encore des esprits vraiment élégants, ornés ou puissants ; et si tout le monde n’est pas placé pour en convenir, tout le monde du moins le remarque et s’en afflige.

Aussi, bien loin de plaindre, en ce qui nous concerne, les pays où il est encore possible aux parents de ne pas condamner leurs enfants aux travaux forcés d’une instruction bien souvent stérile comme méthode, et superficielle comme instruction, nous serions tenté de leur porter envie, et nous n’hésitons pas à leur souhaiter qu’ils puissent demeurer longtemps encore reculés ou retardataires en fait d’études et de latinité, puisque à voir où nous mènent en ceci la civilisation et le progrès il y a de quoi regretter bien plutôt qu’il n’y a lieu d’être satisfait. Car, voyez donc, c’est à qui, parmi tous ces zélés enseigneurs, entassera le plus d’ingrats labeurs et de tristes servitudes sur les courtes années de la joie et de la liberté ; c’est à qui, parmi toutes ces doctes écoles, s’emparera le plus complètement non pas des cœurs, non pas des âmes de nos enfants pour les former et pour les embellir, mais de leur mémoire, de leur tête, de leur mécanique intellectuelle, pour la faire jouer du matin au soir sur tous les airs et dans toutes les ritournelles ; puis, dépossédés par tous ces larrons de la présence chérie et du distrayant commerce de nos fils, c’est à peine s’il nous reste le moment de féconder leurs affections, de déterminer leurs penchants, d’assurer leurs principes ! Ah ! le sot, l’absurde, le barbare système ! auquel échappent néanmoins et les pauvres et les riches, mais